NEF

Date de mise à jour : 28 mars 2018

Leçons de la nature: du rôle des nectaires extra-floraux pour la régulation des ravageurs des cultures

NEF ...de nectar extra-floraux

Face aux changements climatiques et à la pression sur les ressources naturelles induites par la croissance démographique, de nouveaux défis apparaissent pour assurer la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale. L’agriculture doit s’adapter pour concilier amélioration de la productivité et résilience des systèmes de production. Les ravageurs des cultures, responsables de pertes estimées à 35% du rendement potentiel des cultures dans le monde, restent cependant une contrainte pour l’amélioration de la productivité (Oerke 2006, Sundström et al. 2014).  Une partie de ces pertes de rendement résulte de la vulnérabilité des variétés cultivées aux attaques de ravageurs. En effet, beaucoup de traits de résistance naturelle contre les herbivores, qui sont présents dans les variétés sauvages, ont été perdus au cours des processus de sélection pour le rendement et la qualité de la production sous protection insecticide (Warschefsky et al. 2014). Pour réduire la dépendance aux pesticides et assurer la sécurité alimentaire, nous sommes confrontés au défi d'intégrer dans les variétés cultivées, les traits de résistance présents dans les variétés sauvages. De tels programmes de sélection devraient englober les connaissances sur les mécanismes de réactions de défense des variétés sauvages, qui modulent les interactions écologiques entre les plantes et leurs insectes bénéfiques et nuisibles. Le cotonnier constitue un excellent modèle biologique pour comparer les stratégies de défense contre les herbivores entre les variétés sauvages et cultivées (Loughrin et al. 1995). Parmi les stratégies de défense, les nectaires extra-floraux (NEF) occupent probablement une place importante comme structures fournissant du nectar qui attire des prédateurs ou des guêpes parasitoïdes, et donc susceptibles de favoriser les services de régulation des ravageurs (Hagenbucher et al. 2013).

Un bref examen de la littérature sur le rôle du nectar floral dans les interactions entre plantes et insectes montre que des constituants mineurs du nectar, tels que des métabolites ou composés secondaires (CS), peuvent jouer un rôle crucial dans la médiation des interactions entre plantes et insectes (Adler & Irwin 2012; Nepi 2014). Par exemple, la présence de faibles doses de nicotine dans le nectar des fleurs optimise le temps passé par un visiteur sur une fleur (Kessler & Baldwin 2007). Bien qu'il existe un manque de connaissances concernant la nature des composés secondaires dans le nectar extrafloral, une étude récente a signalé la présence d'alcaloïdes et de flavonoïdes dans les NEF de Passiflora (Cardoso-Gustavson et al. 2013). Les auteurs ont indiqué que la faible concentration de ces composés dans le nectar était suffisante pour affecter le métabolisme des collecteurs qui ont une relation mutualiste avec la plante. Des analyses histochimiques de NEF de cotonniers de variétés cultivées que nous avons effectuées récemment sur la plateforme de Montpellier, ont révélé la présence de différents types de composés secondaires tels que flavonoïdes, terpènes et dérivés d’acide caféique, posant une fois de plus la question du rôle des composés secondaires dans la régulation des interactions entre le nectar de la plante et les insectes. En dépit de son importance, le nectar (et les nectaires) reste un sujet étonnamment peu étudié au sein de la communauté scientifique (Heil 2011) et, bien que de nouvelles classes de substances continuent d'être détectées dans les secrétions des NEF, nous ne savons rien du rôle défensif des composants du nectar autres que les sucres et acides aminés.

L'objectif principal du projet est de caractériser la fonction écologique des constituants mineurs du nectar présents dans les secrétions des NEF des cotonniers sauvages. L’idée est de restaurer ou de mobiliser ces traits fonctionnels dans les variétés cultivées, d'une manière compatible ou synergique avec le contrôle biologique. Les objectifs spécifiques du projet de recherche sont

  1. de caractériser les composés secondaires (et les structures qui les sécrètent) présents dans les secrétions des NEF des cotonniers cultivés et sauvages,  par des analyses histochimiques et chromatographiques
  2. d’identifier l’entomofaune visitant les structures des NEF, avec un accent particulier sur les agents de biocontrôle, i.e. parasitoïdes et prédateurs, dont les fourmis.

Pour obtenir une estimation du contrôle biologique, on mesurera les taux de prédation ou de parasitisme de proies-sentinelles, ainsi que les dégâts causés par les insectes phytophages. Les résultats doivent nous permettre d’établir le lien entre la structure des NEF des cotonniers cultivés et sauvages et les composés chimiques présents, et d’identifier les insectes attirés par les NEF, ainsi que le rôle qu’ils jouent comme agents de lutte biologique (voir Schéma 1).

Financement : CIRAD, Action CRESI

Chercheurs impliqués : Llandres Ana L (Cirad-Aïda), T. Brevault (Cirad-Aïda - Biopass Dakar), Jean Janine (Cirad-Aïda), Goebel R. (Cirad-Aïda), Verdeil Jean-Luc (Cirad-AGAP), Clement-Vidal Anne (Cirad-AGAP), Haran Julien (CBGP)

Schéma

Date de mise à jour : 28 mars 2018